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On le sait depuis les procès de Nuremberg : la «solution finale
de la question juive» était un secret d'État partagé par les
plus hautes élites nazies qui connaissaient pertinemment le sort
des Juifs européens déportés à l'Est : la mise à mort systématique,
à Auschwitz ou à Treblinka.
Si l'on en croit son Journal, néanmoins, Goebbels constituait une
exception. Le ministre de la Propagande avait certes été informé
du massacre des Juifs soviétiques puis polonais. Pour autant, il crut
pendant longtemps que les Juifs déportés depuis l'Allemagne étaient
concentrés à l'Est dans des ghettos, en attendant une future transplantation.
Or ils étaient assassinés. Intime de Hitler et figure majeure
du régime, Goebbels était-il le seul à ne pas savoir ?
S'appuyant sur une très large documentation, Florent Brayard fait dans
cette enquête le pari inverse : la singularité du cas Goebbels invite en
réalité à repenser le secret qui entoura Auschwitz. Car les archives
révèlent de nombreuses anomalies, passées souvent inaperçues, qui
montrent que la «solution finale» fut durablement présentée au sein
de l'appareil d'État comme une simple transplantation.
De fait, même dans le Reich nazi, le meurtre de tous les Juifs européens
constituait un acte hautement transgressif, que Hitler et Himmler
avaient préféré cacher - autrement dit, un complot. La conférence de
Wannsee en janvier 1942 ne fut donc pas le moment où ce meurtre
systématique avait été révélé : il fallut pour cela attendre octobre 1943
et les fameux discours de Himmler à Posen.
De l'aveu même de l'orateur, tout, ou presque, était alors achevé.