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Si les biopolitiques consistent à faire entrer la vie humaine en politique,
en classant et en hiérarchisant les populations, en agissant sur les formes de
reproduction, c'est bien sur les corps qu'elles s'exercent, et en particulier les
corps des femmes. Selon les époques et les lieux, le biopouvoir s'est pratiqué
sous les formes étatiques, religieuses ou privées. Dans le cadre des empires
coloniaux en Amérique latine, dans les Caraïbes et en Afrique, la mondialisation
des biopolitiques a donné à l'appropriation et au contrôle des femmes une autre
dimension. Les études de cas qui composent cet ouvrage tentent de l'éclairer.
Le contrôle du corps féminin s'est mondialisé avec l'accaparement des terres
et des corps chez les peuples conquis des Amériques. L'accès immédiat au plaisir
sexuel devint l'une des motivations premières de la prise de possession. Mais cette
quasi-mise en esclavage avait pour objectif à plus long terme de capter la force de
travail des vaincus et leurs capacités reproductives, afin d'assurer l'existence d'une
main-d'oeuvre nécessaire et d'accroître les profits qu'il en était tiré, entraînant
des conflits d'intérêts entre dominants et dominés. Cet ouvrage met en évidence
divers fonctionnements de ce biopouvoir (administration coloniale, Églises,
philanthropes, tenancières de maison close) et de leurs effets sociaux.
Face à l'oppression, les femmes ont néanmoins disposé de moyens de
résistance : esclaves restant obstinément stériles ou supprimant leur enfant,
prostituées essayant de s'enfuir des bordels, mères congolaises boudant les visites
médicales pour nourrissons... Si elles n'ont pas changé la structure des rapports
de genre, de classe ou de «race», ces résistances individuelles ont laissé entrevoir
une conscience qui ne manquera pas, par la suite, d'en modifier la forme.