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Nouaison
Tes doigts se prennent aux fleurs turquoise
de ton chemisier, puis tu les glisses
là où quelque chose pousse, affleurant
doucement. De la paume, tu caresses ce
qui frémit, éclat de vie sans nom encore,
aux contours incertains, pulsation souterraine.
Mais elles sont toujours là, les blouses.
Dans les couloirs, dans l'ascenseur, plus
nombreuses que dans les cauchemars.
Elles te guettent encore, tapies derrière la
porte qui se referme dans un claquement
sec. Franchir le seuil de la pièce, un voeu
noué au creux du ventre, silencieux et lancinant.
Tu es prise au piège des vapeurs de
désinfectant, des serres métalliques du lit,
de ce blanc, vautour qui rôde et souille
l'univers. Sauf toi et moi, pries-tu tout
bas. Que les rapaces se muent en colibris,
que les murs de cette salle où tu attends
(quoi, au juste ?) s'écartent pour laisser au
moins une infime ouverture.
Nouaison est à la fois le livre et le lieu de métamorphoses
multiples : celle de la fleur en fruit,
comme suggère son titre, de la femme en mère, du
ventre vide en ventre plein, de l'embryon en
enfant, de l'absence en présence. L'auteur évoque
par touches discontinues et allusives plusieurs
facettes de la maternité dans un texte qui
convoque tour à tour le fragment, le récit, le journal,
la prose et la poésie. Ainsi c'est la langue elle-même qui noue et se transforme au fil des pages.