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Ce livre, je voudrais le placer sous le signe de Bouvard et
 Pécuchet. Car bien des écrivains contemporains leur ont emboîté
 le pas pour braconner avec gourmandise sur les territoires de la
 science. «Une encyclopédie critique en farce», c'est ainsi que
 Flaubert désignait son roman pour dire que la pulsion de savoir
 ne va pas sans le soupçon du scepticisme ni le rire de l'idiotie.
 À la manière de l'autodidacte ou de l'amateur, l'écrivain répond
 aujourd'hui à l'ambition autrefois revendiquée par Italo Calvino :
 il relie les champs du savoir, renoue ensemble les disciplines dispersées
 et oppose à l'intimidation des discours spécialisés une
 curiosité vagabonde. Manière de dire que la littérature, si elle a
 renoncé à son magistère d'autrefois, affirme contre l'autorité du
 savant une démocratie du savoir.
Dictionnaires capricieux et encyclopédies lacunaires, ivresse
 de la liste et folie de l'inventaire : l'époque cède volontiers à l'encyclomanie.
 À rebours du désir de totalité et de la frénésie de l'archive,
 les écrivains contemporains composent des encyclopédies
 fragmentaires et ouvertes pour dire l'exigence de la lacune et la
 nécessité de l'inachevable. Raymond Queneau et Georges Perec,
 Gérard Macé et Pascal Quignard, Olivier Rolin et Pierre Senges :
 voilà quelques-uns des auteurs que je réunis dans cette collection
 de lectures, qui font de l'encyclopédie un puissant fictionnaire et
 rappellent la teneur de savoir de la littérature. À défaut de rassembler
 la totalité des savoirs, ces fictions encyclopédiques élaborent
 un art de l'oubli, qui a sans doute partie liée avec la sagesse.