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Au XIXe siècle, la formation en anatomie comportait pour les futurs
médecins une épreuve incontournable, un choc sensoriel,
et même moral : la dissection de corps humains. Depuis longtemps déjà,
les hommes cherchaient à substituer à ces cadavres en décomposition
des pièces desséchées ou des modèles synthétiques. La cire fut d'abord
la matière reine, et des mannequins très élaborés furent fabriqués ; mais leur poids
et leur coût exorbitant ne les firent produire que pour des collections de prestige.
C'est à partir de 1822 qu'un médecin normand, Louis Thomas Jérôme Auzoux,
raffina un procédé de fabrication de mannequins anatomiques en papier mâché
développé quelques années auparavant par un de ses confrères de Caen ; légers,
démontables à l'envi et singeant la dissection, ils révolutionnaient la pratique
de l'anatomie artificielle.
Auzoux proposa différents modèles humains avant d'en extraire des organes
et des régions révélant les liens entre anatomie et physiologie. Son action
s'étendit rapidement à l'anatomie des animaux et des plantes, et les centaines
de modèles qu'il commercialisa avant sa mort, en 1880, fournirent aux
établissements d'enseignement un matériel didactique d'une qualité inégalée
et illustrant une vision nouvelle de la continuité du vivant. L'entreprise d'Auzoux
connut un succès commercial important et une diffusion internationale.
Aujourd'hui, les pièces historiques créées par le docteur Auzoux connaissent
le succès en salle de vente : leur extrême délicatesse, le foisonnement de détails
et leur beauté en font des objets très recherchés. Cet abord esthétique masque
souvent leur dimension propre, très méconnue, d'objets scientifiques et
didactiques, révélateurs d'un courant de pensée du XIXe siècle, et témoignages
d'aventures industrielles aujourd'hui oubliées.