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Partons du fait qu'une langue est un système de représentation d'un monde à la fois extérieur
à elle-même puisqu'elle le représente, mais dont elle fait aussi partie intégrante (actes de
langage, métalangue, etc.). Elle permet de rendre compte de ce monde (monde réel, non-fictif) ou
de le créer (mondes fictif, imaginaire, hypothétique), la première activité pouvant être ramenée à
la seconde au sens d'une re-création dans la langue. Qu'il soit fictif ou non, c'est un monde en
évolution (il s'y produit des événements, les choses changent), fondé donc sur un dynamisme.
S'interroger sur l'aspect et le temps, c'est s'interroger sur ce dynamisme. La terminologie
généralement utilisée en linguistique pour parler de l'aspect («déroulement», «état résultant»
par opposition à «état pur») témoigne d'une tentative de saisir cette évolution. En revanche, la
majorité des études linguistiques traitant du temps en donnent, étrangement, une représentation
toute statique : position de l'événement par rapport au temps d'énonciation (passé, présent,
futur), situation de deux événements entre eux (antériorité, simultanéité, postériorité). Doit-on en
conclure qu'une langue n'a pas les moyens d'exprimer le dynamisme temporel ? Ou au contraire
qu'elle est un moyen de stabiliser l'instable ? Ou bien encore que ce sont les théories
linguistiques qui sont impuissantes à rendre compte du dynamisme propre au langage ?
C'est sur les procédés linguistiques mis en oeuvre par une langue particulière, en l'occurrence
le japonais, pour traiter le dynamisme, que s'interroge cette étude. Pourquoi des valeurs
aspectuelles qui nous paraissent antithétiques comme le non-accompli (progressif) et l'état
résultant peuvent-elles apparaître sous un même marqueur te iru en japonais ? Pourquoi un
marqueur (ta) censé exprimer le passé ou l'accompli peut-il apparaître dans des expressions
comme Chotto matta ! (Attends un peu !) plus proches d'un impératif ?
En partant de l'aspect qui est, d'un point de vue morpho-syntaxique, plus facilement repérable
en japonais, l'auteur analyse un ensemble de formes ou de marqueurs et les valeurs de sens
qu'elles permettent de construire en s'attachant à reconnaître des droits égaux à tous les
énoncés, autrement dit à refuser la notion d'exception. Ceci fait apparaître un système morpho-syntaxique
qui n'est sûrement pas construit sur la base d'une distinction entre les catégories de
temps, aspect et modalité et permet, dans la mise au jour des opérations dont les marqueurs sont
la trace, de comprendre comment se construit la notion du temps dans et à travers la langue
japonaise.