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Certes non, ce serait trop beau, et de quel orgueil ne se bouffiraient
pas nos concitoyens, convaincus, depuis Napoléon (au moins), de leur
prééminence en tous domaines. Mais il est une forme spécifique,
inimitable de l'imbécillité, qui appartient en propre à ce pays avec
les vins (de Bordeaux), la cuisine (de Lyon) et les petites femmes (de
Montmartre). Le Dossier aide à la cerner et met en relief son caractère
puissamment synthétique : à la fois gueularde et doucereuse, féroce
et larmoyante, libidineuse et gourmée, chauvine et humanitaire ;
mensongère et calomniatrice au nom de l'honneur, de la vertu et de
la patrie ; invoquant sans cesse la verdeur de nos ancêtres (Rabelais
toujours) pour mieux fulminer les interdits. À propos du roman
J'irai cracher sur vos tombes, du procès et de la condamnation dont
il fut honoré, de la pièce qui porte le même titre, publiée ici pour
la première fois dans son intégralité, une vue quasi exhaustive nous
est donnée d'un grand moment de la conscience nationale
(1946-1953). S'ensuivent l'aventure et les avatars de l'adaptation
cinématographique de J'irai cracher sur vos tombes (1954-1959),
qui éclairent d'une lueur de coupe-gorge les moeurs des producteurs.
Le scénario plus-que-total, jusqu'à présent inédit, qu'avait écrit Boris
Vian en 1958 complète, et d'abondance, le Dossier. Scénario qui fut
le dernier grand rire - et désespéré -, le sursaut ultime de Boris Vian
devant la sottise et la mauvaise foi, avant que ne s'achève l'histoire
de J'irai cracher sur vos tombes, avec sa vie, le 23 juin 1959
aux premières images du film dont il n'était plus maître.