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Ils étaient sept à l'aube de ce 29 juin 1944, contre le mur du cimetière de Rillieux. Sept otages juifs à tomber sous les balles de la milice, sur ordre de Paul Touvier. Lorsqu'on a retrouvé les corps, un seul ne portait pas de nom. L'initiale de son prénom était calligraphiée sur un petit carton déposé auprès de lui. Le prénom d'un jeune homme qui, la dernière nuit, dans la cellule où les prisonniers attendaient la mort, chanta un morceau de Tosca, l'opéra de Puccini. L'air de celui qui va mourir à l'aube.
Ma route a croisé la sienne cinquante ans après, le 29 mars 1994, au procès de Paul Touvier. Dans cette cour d'assises, on l'appelait le plus souvent l'Inconnu. Ou bien parfois Tosca. C'est là que j'ai décidé de le retrouver. Pour lui rendre son nom. Pour qu'enfin il puisse exister avant de mourir. Pour qu'une tombe soit refermée. J'ai commencé cette enquête en journaliste : témoignages, archives, retours sur les lieux désespérément amnésiques ou au contraire encore griffés des vérités d'une époque.
Mais l'Inconnu s'échappait de l'enquête. Il était là pourtant. C'est lui qui m'a conduite vers Maurice le radio de Londres, Madeleine la cousette, Gérard le maquisard ; Marcel et Julia les rescapés d'Auschwitz et Petit Louis le résistant hanté par ce jeune Juif dont il partagea la dernière nuit... L'Inconnu m'a guidée vers ces hommes et ces femmes, leurs mots, leurs silences, leurs mémoires perdues ou retrouvées. Leurs blessures jamais refermées. Il m'a entraînée plus loin encore. J'ai cheminé avec lui pendant sept ans. Sept ans pour trouver ce que je cherchais vraiment. Une histoire intime.
