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Quand Marx écrit Sur la Question juive, en 1843, il a
 vingt-cinq ans. Son article, réponse fulgurante au livre
 de Bruno Bauer sur le sujet, s'inscrit dans le débat
 en cours sur l'émancipation des juifs dans «l'État
 chrétien». Mais pour Marx, c'est l'occasion d'élargir
 ce débat : de quelle émancipation parle-t-on ? C'est la
 distinction célèbre qui apparaît alors, entre l'émancipation
 limitée aux droits politiques et l'«émancipation
 humaine». Et la question juive n'est qu'un révélateur
 du dédoublement entre l'homme et le citoyen.
L'article de Marx, ici dans une nouvelle traduction
 de Jean-François Poirier, a suscité bien des polémiques
 : pièce à conviction d'un procès absurde et
 anachronique pour «antisémitisme», manuel de
 l'«apprenti dictateur» : Daniel Bensaïd répond à ces
 interpellations, retournant la polémique contre les
 «nouveaux théologiens» (Jean-Claude Milner, Benny
 Lévy, Alain Finkielkraut). Alors que pour Marx, le
 peuple juif s'est maintenu «dans et par l'histoire»,
 ces derniers renvoient l'existence juive à l'irréductible
 singularité du peuple élu. Alors que Marx veut
 «transformer les questions théologiques en questions
 profanes», ils transforment une question sociale
 et historique en question théologique. Signe inquiétant
 de temps obscurs.