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Voici le premier ouvrage de Jacques Derrida. Alors étudiant de
philosophie à l'École normale supérieure, en 1953-1954, il
proposa une lecture de l'oeuvre de Husserl en y suivant,
comme un fil directeur, le thème de la genèse. Il s'agissait
alors d'analyser les difficultés et les remaniements provoqués
dans la pensée du fondateur de la phénoménologie par
la prise en compte du temps, du devenir et de l'histoire, tant
dans la constitution du sujet transcendantal que pour la
production intentionnelle du sens de ses objets, notamment
des objets scientifiques. Le passage de la constitution statique
à la constitution génétique de l'ego fut certes programmé et
assumé par Husserl : ce n'en était pas moins une nécessité
périlleuse pour le projet phénoménologique lui-même.
Cette interprétation systématique ne tente jamais de réduire
une tension, voire une certaine hétérogénéité à l'intérieur du
discours phénoménologique. Elle permet aussi de reconstituer
quelques traits du champ philosophique, voire philosophicopolitique
français dans lequel Jacques Derrida élabore ses
premiers travaux. Tout en donnant un aperçu sur l'état de la
pensée phénoménologique à cette époque (Levinas, Sartre,
Merleau-Ponty, Ricoeur, Tran-Duc-Thao) et sur les influences
qu'elle exerce ou subit alors, cet ouvrage annonce aussi la problématique
et le style des questions «déconstructrices» que
Derrida développera dans de nombreux ouvrages entre 1962
et 1990.
Deux d'entre eux furent consacrés à Husserl et publiés dans
la même collection : Introduction à L'origine de la géométrie,
1962 (3e éd. 1990), et La voix et le phénomène, 1967
(5e éd. 1989). Ils constituent avec ce volume un ensemble
indissociable.