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La relation entre la philosophie et la mystique forme une question «à la limite», que la fatalité
a le plus souvent déclinée en une suite d'oppositions frontales : entre le rationnel et l'émotionnel,
le logique et le pathologique, le discours et l'indicible...
Depuis quelques années cependant, plusieurs motifs portent à reconsidérer cette relation
singulière. Une somme d'informations sans précédent sur les diverses traditions mystiques, sur
leurs variabilités historiques et géographiques est désormais accessible. En outre, la mystique
est devenue un objet oecuménique et interreligieux de premier plan qui invite à reposer la question
de l'essence du religieux dans la traversée herméneutique des différences confessionnelles.
Enfin, on enregistre une forte demande de redressement spéculatif face à l'essor actuel des sectes
et au développement des syncrétismes religieux.
Mais le philosophe est-il qualifié pour comprendre la mystique ? À quelles conditions ? De son
côté, le mystique n'a-t-il point tendance à cacher sa dette à l'égard de l'expérience de la pensée,
voire des concepts philosophiques ? Plus profondément encore, faut-il lier la mystique au seul
«religieux» ? La philosophie n'est-elle pas un exercice spirituel, une expérience ?
C'est justement par cette entrée «expérientielle» dans la question que le présent ouvrage
trouve son originalité. Grâce aux contributions de spécialistes qu'il réunit, il répond à trois tâches
précises : redéfinir le concept d'expérience dès lors qu'il est assigné à la philosophie et au religieux
; évoquer dans une perspective critique les grands figures historiques, témoins et acteurs
de l'intersection des deux champs, philosophique et mystique (Plotin, Augustin, Denys le Pseudo-Aréopagite,
Bernard de Clairvaux, Maître Eckhart) ; mettre à l'épreuve, selon une perspective systématique
et au voisinage des oeuvres majeures de Simone Weil, Franz Rosenzweig, Emmanuel
Lévinas, Éric Weil et Maurice Blondel, les différentes théorisations d'une relation finalement plus
présente qu'on ne le dit, dans la structuration du pensable contemporain.
Philippe Capelle.