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Dix ans après son suicide, qui se souvient encore que Jack-Alain Léger fut l'auteur de près d'une quarantaine de livres écrits sous cinq pseudonymes, un grand écrivain virtuose et mélancolique capable d'embrasser tous les genres, abonné tantôt aux succès euphorisants, tantôt aux échecs crépusculaires, toujours torturé, toujours déchiré, toujours indigné autant qu'il pouvait être sophistiqué et brillant, prolixe et heureux ?
N'a-t'il pas trop joué du brouillage des pistes autobiographiques et des identités à tiroirs ? Trop raconté sa famille foutraque (on dit maintenant « dysfonctionnelle »), sa maniaco-dépression (on dit maintenant « bipolarité »), ses avanies éditoriales et financières (rien de nouveau sous le soleil) ? N'a-t-il pas trop manié de styles, de genres, de formes et de formats ?
Probablement. Peut-être. Car Jack-Alain Léger était trop. Trop doué, trop névrosé, trop intelligent, trop complexé, trop vindicatif, trop franc, trop imprudent...
Toutes les voies empruntées par notre auteur de manière souvent théâtralisée (poésie, roman, essai, récit, pamphlet) dans ses différentes veines (policière, picaresque, épique, intime, historique, populaire, etc.) n'émanent en fait que d'une seule voix, éminemment reconnaissable sous les pseudonymes de Melmoth, Dashiell Hedayat, Jack-Alain Léger, Eve Saint-Roch et Paul Smaïl.
Cette voix, c'est d'abord celle qui exprime une immense foi dans les pouvoirs de l'écriture romanesque et qui, dès lors qu'elle s'anime, se débonde d'un coup, d'une large coulée, emportée par une allégresse communicative.
