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Les rapports entre la bouche et le sexe excitent l'imaginaire de
 l'homme. Depuis la nuit des temps, des écrivains nous montrent le corps
 comme siège de besoins et d'appétits. Ripailles, beuveries, douleurs stomacales,
 matières scatologiques, accouplements plus ou moins cocasses,
 les classiques s'en donnent à coeur joie : Aristophane, Plaute, Pétrone,
 Boccace, le Pogge, l'Arétin, Noël du Fail, Brantôme, Rabelais... Et pourtant,
 un jour, ce lien entre les corps et les livres se dissimule en coulisses. La
 raison ? L'anthropologue Norbert Elias signale le lent, mais inexorable,
 «processus de civilisation» enclenché à la fin du Moyen Âge. Les besoins
 naturels et les désirs charnels se voient peu à peu relégués aux oubliettes
 de l'art avec un A majuscule, seul jugé digne du roi Soleil et de Versailles.
Refoulé des lettres de la cour royale, le corps refait véritablement
 surface dans d'innombrables nouvelles et romans du dix-neuvième siècle.
 Sa réapparition dans la «Grande Littérature» coïncide avec l'essor des
 sciences du vivant : «La vie est l'ensemble des fonctions qui résistent à
 la mort», écrit, en 1800, Xavier Bichat. Par ambition scientifique et riches
 de cet enseignement, les écrivains s'emploient à conter les aventures du
 corps masculin dans le rapport entre nutrition et reproduction. Quand
 la machine virile fonctionne sans accroc, elle n'intéresse pas grand
 monde mais quand elle grippe - elle inspire écrivains, grands et petits.
 Chez les grands, la physiologie se greffe sur d'autres motifs, s'imbriquant
 dans d'autres mécanismes de la narration (ex. l'argent, l'ambition, la vie
 mondaine, pour Balzac ; les luttes économique, sociale et politique pour
 Zola). Chez les petits, l'inspiration physiologique est souvent centrale et
 donc plus évidente : Champfleury, Erckmann-Chatrian, Lucien Descaves
 et bien d'autres mettent en scène des corps masculins dont la balance
 bouche/sexe est à jamais, ou momentanément, déséquilibrée : hommes
 d'Église chastes, célibataires endurcis, veufs inconsolables, soldats enfermés
 dans des casernes... Un examen d'auteurs connus, peu lus ou ignorés
 du grand public permet d'établir, dans le sillage des études structurales
 du récit, un répertoire des combinaisons narratives qu'ont su
 inventer et agencer des écrivains de tendances, mouvements, groupes
 ou écoles divers. Notre examen offre une grille de lecture pour cette
 nouvelle littérature du dix-neuvième siècle qui, stimulée par l'exemple
 des sciences naturelles, se met à explorer l'existence corporelle de
 l'homme.