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«Le Grand Jeu est irrémédiable ; il ne se joue qu'une fois.» Et vite. De
1928 à 1932, le Grand Jeu prend la main, pour une partie dont la brièveté
n'a d'égale que la singulière clarté qui l'illumine. La modernité semble
parfois faite de ces comètes insaisissables, et de Rimbaud au Grand Jeu
frappe d'abord le retour d'un certain rythme, comme d'un parcours pressé
dont l'impatience, l'intransigeance, font le prix.
Le Grand Jeu en mouvement, donc, mais aux deux sens du terme. Car
de la fugue rimbaldienne à l'aventure collective, il s'agit bien de fonder
un groupe à même d'accélérer l'Histoire. S'il unit les traditions poétiques
et occultes sous un seul signe, le Grand Jeu est aussi bien décidé à faire de
son refus du monde une force d'action dans le monde. Impossible de
l'étudier sans lui restituer son contexte, sans lui prêter une dimension proprement
politique.
Comment d'ailleurs saisir le Grand Jeu hors de ses paradoxes ? Ses
membres auront sans cesse associé les termes les plus incompatibles :
révolution et révélation, marxisme et mystique, exaltation du Non, pataphysique
et formes hermétiques les plus diverses... Renonçant à leur
temps, prétendant forger leur époque, ils auront ainsi exploré sans mesure
ces paysages dangereux où la poésie trouve son point d'incandescence, et
ne peut plus se dissocier d'une vie à gagner, d'une vie à perdre.
Le Grand Jeu en mouvement donne à lire les interventions du colloque
de Reims (2004) réunies par Olivier Penot-Lacassagne et Emmanuel
Rubio selon trois axes : «Le Grand Jeu en contexte», «Vivre/écrire le
Grand Jeu», «Entrée des artistes».