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Une théorie des victimes n'existe pas encore comme telle dans la
 philosophie, qui s'intéresse davantage à la force, la puissance et la domination.
 Elles ont été abandonnées comme leur objet privilégié aux intellectuels
 qui assument leur défense, mais aussi aux médias qui finissent
 par en dissoudre la notion. Une théorie un peu rigoureuse supposera que
 la Victime-en-personne est la condition qui détermine en-dernière-instance
 la victimologie et même l'oubli philosophique.
Nous dessinons deux figures de l'intellectuel. L'intellectuel sous
 dominance philosophique, engagé ou embarqué («embedded») par les
 pouvoirs, qui se contente de représenter les victimes, de les photographier
 par la parole, l'écrit ou l'image. Et l'intellectuel générique qui travaille
 sous la condition déterminante de la victime plutôt que de la philosophie.
Nous examinons différents aspects de l'intellectuel, son malaise et sa
 trahison au regard de la victime ; puis la victimisation ou persécution
 comme processus de double ou multiple peine, les notions de «force
 faible» et de «force forte», de «survivant» et de «ressuscité» ; enfin le
 problème de la résistance ou de l'insurrection des victimes.
Il s'agit de fonder l'éthique sur l'Homme-en-personne plutôt que sur
 le «sujet», sur la victime plutôt que sur la force du héros philosophe. La
 compassion n'est pas la pitié philosophique pour des animaux participant
 à la tuerie universelle, c'est le dernier vécu, celui du vaincu qui longe la
 mort, qui lui donne encore son sens et que l'intellectuel doit assumer.
 Cette autre idée de l'homme, nous l'appelons «générique».