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Dans cet ouvrage célèbre, paru en Allemagne en 1929, et brûlé peu de temps après par les nazis, Erwin Piscator dresse un premier bilan de son travail. Il nous dit ce que le théâtre qu'il a voulu faire doit à l'histoire de son temps, à la guerre, aux crises économiques, à l'affrontement des formations politiques de l'Allemagne de Weimar. La guerre? "C'est alors que mon métier "privé", mon métier d'acteur a été rasé comme les tranchées que nous occupions." Revenu à la vie civile, en 1918, il découvre que "le sol de la société bourgeoise s'était effondré". Va-t-il encore faire de l'"art" comme avant? "Nous constations [...] que l'art ne pouvait avoir quelque valeur que s'il n'était qu'un moyen parmi d'autres dans la lutte de classes [...] Un moyen politique. Un instrument de propagande. D'éducation." D'où le combat qu'il mène à Berlin, du Théâtre "Tribunal" à la Piscator-Bühne, en passant par le Théâtre prolétarien, de 1919 à 1929, combat qu'il relate dans son livre, où est abordé chaque problème que doit affronter un théâtre visant à ne pas séparer l'esthétique du politique: architecture, documentation, dramaturgie, décors, costumes, répertoire, comédiens, public, relations avec les associations de spectateurs, etc. C'est dire l'importance de cet ouvrage déjà classique, de cet inventaire exhaustif des méthodes élaborées fût-ce empiriquement par Piscator, au cours de dix années difficiles, pour le maniement du théâtre politique, arme culturelle décisive. Au terme d'un "Supplément" couvrant les années 1930-1960, écrit en vue de la première publication en langue française du Théâtre politique (1962), Piscator, après avoir rendu compte de son travail à New York pendant l'exil, puis en Allemagne où il est revenu en 1951, constate que décidément "notre destin, c'est la politique", et pose cette question qui est en même temps une réponse: "De quel art avons-nous donc besoin aujourd'hui? "
