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Reproduisant pour l'essentiel un cours du semestre d'hiver 1923-1924,
Philosophie première de Husserl développe pour la première
fois une problématique qui sera en grande partie celle des années
trente et amorce des interrogations auxquelles Krisis, sa dernière
oeuvre, tentera d'apporter des réponses ; elle inauguré ainsi la
mutation de la phénoménologie en confirmant sa mission historique
en même temps que sa vocation rationaliste et humaniste.
La première partie du texte, intitulée Histoire critique des idées
(leçons 1 à 27 ainsi qu'une version plus élaborée d'une conférence
que Husserl prononça en 1924 en hommage à Kant), apporte un
démenti flagrant à la thèse d'un Husserl rebelle à l'histoire de la
philosophie et à toute «philosophie de l'histoire». Si la phénoménologie
s'était d'abord définie tout autant par son anti-historicisme
que par son anti-psychologisme, la prise de conscience de
son sens impose une Selbstbesinnung historique du phénoménologue
et une vision téléologique de la philosophie.
L'«histoire eidétique» de la philosophie depuis Socrate et Platon
jusqu'à Descartes, en passant par les salutaires phases de scepticisme
(des anciens à Locke, Berkeley et Hume) pour aboutir au
rationalisme (Leibniz et Kant), dessine les chemins et les errements
de l'idée de philosophie comme science rationnelle universelle.
La genèse historique de cette idée antique nous ouvre le sens
caché de l'histoire de l'humanité européenne en général ; car la
fondation d'une telle science fixe «la condition suprême de possibilité»
d'une humanité authentiquement raisonnable. Philosophie
première, bien avant Krisis, atteste la foi de Husserl en un possible
règne de la Raison. Il ne la réniera pas dans les années sombres où
l'irrationalisme devait menacer l'existence de l'humanité européenne.
A.-L. K.