Mehr lesen
Comment un jeune Lombard, apprenti peintre
arrivé à Rome à l'âge d'environ dix-huit ans,
a-t-il réussi à se construire, à progresser
et à sortir des bas-fonds de la piazza Navona pour
franchir le Tibre, les Alpes, et les bornes de son
siècle, et parvenir jusqu'à nous comme un des
plus hauts exemples - peut-être le plus régulier
et le plus impressionnant - de la modernité,
en s'imposant aux partis les plus divers ? Comment
se peut-il qu'aujourd'hui encore, après Kandinsky
ou Mondrian, le passant occasionnel ou même
le fanatique de Pollock ou de Rauschenberg,
entrant à Saint-Louis-des-Français, sente se rouvrir
en son coeur une plaie qu'il croyait fermée pour
toujours ?
Caravage, homme violent, criminel et peintre
génial, eut une vie tourmentée, écartelée entre
le luxe et le raffinement extrême des palais
romains du début du XVIIe siècle, et la fange de
la rue, parmi les spadassins et les prostituées.
Telle est la légende connue sur la vie de
Michelangelo Merisi, dit «Caravage» d'après
la bourgade où sa famille s'était réfugiée, non
loin de Milan, pour fuir une épidémie de peste
- légende forgée par des biographes qui ne
manquaient certes pas de matière...
Aujourd'hui toutefois, débarrassée de tout parti
pris et grâce à la richesse des découvertes et
des études faites sur l'artiste, reste l'aventure
extraordinaire d'un personnage fidèle à ses
principes. Malgré tout et dès les premiers
temps, il trouva des amateurs qui apprécièrent
ses idées et sa peinture. Le cardinal Francesco
Maria Del Monte, Vincenzo Giustiniani, les
frères Mattei appartenaient tous à une élite
cultivée au sein de laquelle se développaient
alors les mêmes spéculations qui menèrent
bientôt l'Inquisition romaine à persécuter
l'autre grande personnalité de l'époque et
père de la modernité scientifique : Galilée, lui
aussi protégé de Del Monte, et autre face de la
même médaille.