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La fatalité revêt aujourd'hui les traits de la nécessité économique
: nous n'aurions plus d'autre choix que de nous y soumettre.
Comment échapper à ce destin funeste ? En critiquant
le discours économique dominant, assurément. Mais si ce discours
triomphe partout, n'est-ce pas que sa critique a échoué ? Il lui a
manqué, en définitive, de ne pas assez rompre avec les postulats
fondateurs de la vision économique du monde : la certitude que
l'être humain est d'abord un Homo oeconomicus ; la croyance à la
clôture de l'ordre économique sur lui-même ; la foi dans la visée
d'une science économique. D'où ces multiples projets, toujours
avortés, de créer une «autre économie», plus rationnelle ou plus
humaine, ou d'édifier une autre science économique, plus scientifique.
Or, viser une «autre économie», c'est encore accréditer l'idée
que l'essentiel serait d'ordre économique. Aspirer à une «autre
science économique», c'est encore croire en la science des économistes
et contribuer à sa consolidation.
Plutôt que d'élaborer des alternatives aussi fracassantes que
décevantes, Alain Caillé se propose donc ici d'apprendre à
«dé-penser» l'économique, en le soustrayant au monopole des économistes
pour le placer sous les regards croisés de l'anthropologie,
de l'histoire, de la philosophie et de la sociologie. Au bout du
compte, l'économique se trouve ainsi replacé dans la perspective du
politique. Que gagne-t-on à ce déplacement du regard, à la fois
modeste et ambitieux ? Rien, diront sans doute certains. Le principal,
penseront peut-être quelques autres...