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L'île de Madagascar, christianisée puis colonisée, cherche depuis son
indépendance à libérer les modes d'expression autochtones de sa culture.
On le voit dans les débats d'intellectuels, mais aussi et surtout dans la
continuité discrète d'une culture populaire dominée mais jamais effacée.
Le foisonnement des lieux de cultes et des pratiques religieuses témoigne
de ces mouvements dynamiques et inventifs qui permettent l'émergence
d'Églises indépendantes malgaches ou les «créations» de sites ancestraux.
Les rois mirent autrefois à leur service les objets de puissance sampy pour
mieux contrôler les populations et leur territoire. Aujourd'hui, c'est le
peuple, c'est-à-dire tout individu, de la base à l'élite, qui peut s'instituer
médiateur de la communication avec les dieux, ou avec le Dieu unique,
sources de pouvoir sacré hasina.
Malgré leur lien actuel au politique, les Églises protestantes historiques,
elles-mêmes ancestralisées, se sentent néanmoins «en panne». Elles n'ont
pas éliminé les cultes aux ancêtres royaux et autres esprits. Les pratiquants
de ces cultes se revendiquent comme chrétiens et modernes. La représentation
qu'ils se font des forces de la nature est d'ailleurs confortée par l'intérêt
des étrangers pour la biodiversité malgache. Leurs pratiques, critiquées,
sont en continuité avec le culte des ancêtres familiaux toujours largement
célébré. Par ailleurs, les mouvements de Réveil internes aux Églises protestantes,
et les courants pentecôtistes concurrents, proposent aux individus
une réponse fondamentaliste au syncrétisme et à la «double pratique»,
tout en leur offrant un mode de communication direct et émotif de même
nature avec le divin. Ces alternatives sont souvent vécues sous le signe de la
rupture sociale, à travers des errances qui traduisent les souffrances personnelles.
Transmissions et emprunts se font aussi, depuis des siècles, à l'intérieur
même de l'île. Les lettrés du Sud-Est, détenteurs de l'écriture arabe, de traditions
et de magie islamiques, ont une influence continue sur les sociétés
des Hautes Terres, elles-mêmes en contact avec l'islam du Nord-Ouest. La
circulation des devins-guérisseurs, ainsi que les migrations internes et les
mariages qu'elles ont favorisés, ont permis un brassage d'idées et de pratiques
qui compose aujourd'hui le paysage religieux de Madagascar.
Prenant appui sur des enquêtes approfondies et croisant les regards de
chercheurs malgaches et français, ce livre veut rendre compte de la complexité
dynamique de cette composition.