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Au début de l'année 2007, l'Université Hassan II Aïn Chock de
Casablanca nous a donné la possibilité exceptionnelle de préfigurer ce
qui devait devenir l'une des rares écoles doctorales de sciences sociales
ouvertes au Maroc depuis les années de plomb. Nous réunissons alors,
dans une très tonique absence d'académisme, des doctorants, enseignants,
chercheurs, acteurs, journalistes et militants, autour de la vague
ambition de donner un espace d'expression et de création aux sciences
sociales, avec un penchant marqué pour l'anthropologie, telle qu'elle est
pratiquée du côté des miniaturistes, façon Clifford Geertz. La référence
(plus que la révérence) à l'École de Chicago s'est imposée aussitôt,
moins parce qu'il s'agirait de l'ériger en courant ou tendance dont nous
suivrions le modèle que comme moment créateur dans le processus de
production du savoir et des compétences. L'objet commun apparaît alors
comme conséquence de cette référence : la métropole, qui nous irradie
de sa présence autant que par le silence académique dont elle est l'objet.
Métropole en effet, Casablanca le devient à une vitesse qui dépasse
toutes les prévisions, toutes les projections, parce que, à l'identique des
villes africaines ou américaines, elle est une ville en croissance exponentielle
dans un dispositif urbain lui-même explosif.
Comme dans toute métropole, à Casablanca aussi les citadins sont
d'anciens paysans venus des douars. Certes, à la différence de la
Chicago de l'ère industrielle, Casablanca n'est pas faite de «migrants»
venus de la lointaine Europe. Si les colons l'ont bâtie, les paysans l'ont
peuplée et en quelque sorte réinventée. Voilà donc la question anthropologique
: quel travail fait la ville sur ces paysans ? Comment fabrique-t-elle
«du citadin» ? Comment se transmettent les compétences
urbaines, les codes et les routines d'une urbanité réinventée ? Bref quels
sens donner au chaos apparent ?