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Ils sont issus de la même génération. Alain Badiou est né en
 1937 à Rabat, Jean-Claude Milner en 1941 à Paris. Ils ont tous
 les deux traversé les «années rouges» à la fin des années 1960.
 Mais s'ils furent l'un et l'autre maoïstes, le premier fixait toute son
 attention sur la Chine quand l'autre s'en détournait déjà.
Cette polémique originaire sur le destin du gauchisme s'est nourrie
 au fil des années de nouvelles et profondes divergences à propos
 du rôle de la philosophie et de la politique. Qu'ils évoquent l'ère
 des révolutions, et en particulier la Commune et la Révolution
 culturelle chinoise, qu'ils se penchent sur les grands massacres de
 l'histoire, qu'ils discutent de l'infini, de l'universel, du «nom juif», de
 l'antisémitisme, de la violence, du rôle des intellectuels, du progrès, du
 capitalisme, de la gauche ou de l'Europe, le scepticisme théorique de
 Jean-Claude Milner se heurte constamment à la passion doctrinale
 d'Alain Badiou. L'amoureux de Lucrèce se frotte à la cuirasse de
 l'héritier de Platon. Les arguments minimalistes de Jean-Claude
 Milner croisent les propositions maximalistes d'Alain Badiou sans
 jamais s'y dissoudre. Et ce débat hors normes débouche finalement
 sur de nouvelles interrogations.
Car il n'est, sans doute, de meilleur remède à l'écrasante puissance
 de la raison médiatique que la reprise inlassable des grandes disputes
 de l'esprit.