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Le cadre invente la peinture et contribue à la naissance d'un concept qui a révolutionné
 les domaines du religieux, du politique et de l'imaginaire. Consacrés par la maîtrise de la
 perspective, l'évolution de la position sociale du peintre et les instances de pouvoir, la peinture
 et ses artifices servent de métaphore à la représentation jusqu'à renoncer devant la
 photographie. Dès qu'il est devenu un objet autonome, le tableau dans son cadre contient
 virtuellement les prémices des crises qui suivront.
Des théories platoniciennes qui condamnent la peinture comme incapable de produire
 des vérités, jusqu'au dogme romantique qui attribue à l'art la capacité d'exprimer la vérité de
 l'intériorité, c'est bien la réflexion inaugurale d'Alberti qui fonde «un examen tout à fait
 nouveau de l'art de peindre.» La théorie de la vision développée dans les écrits de Descartes,
 corrobore les modalités de cet apparaître pour le moins paradoxal puisqu'il décline l'être de la
 situation dans la situation. L'art, qui fut langage commun de l'inaction sociale, comme l'écrit
 Guy Debord dans La société du spectacle, se constitue en entité indépendante dès qu'il
 émerge de son univers religieux, et devient une production individuelle d'oeuvres autonomes.
 Mais il marque alors le commencement de sa dissolution et de sa désagrégation qui se
 réorganisent dans le spectaculaire intégral de la société contemporaine.
Le cadre de la peinture, qui témoigne d'engagements, d'évolutions professionnelles et de
 configurations disciplinaires, évolue donc entre subjectivité et objectivité. La peinture, comme
 l'art en général, montre cette dynamique qui revendique l'énonciation de sa propre vérité
 objectivée. Le jeu qui s'établit entre ces paramètres, annonce tantôt la fin de l'art pictural ou
 parfois son retour, interroge le sens de l'oeuvre, analyse ses conditions fondatrices. Il
 décompose l'effet produit sur le spectateur par un objet tableau que personne ne sait plus
 définir sous les effets multiples de sa reproductibilité qui ont détruit son essence et son
 existence. L'artiste et l'oeuvre sont alors définitivement absorbés par le corps sociétal, ses
 institutions, ses publics.
L'activité du peintre construit une réalité qui loin de se borner à imiter la nature ou à
 représenter un idéal, crée une image paradoxale qui contribue malgré elle au dévoiement de
 l'art par l'invention de son objectivité. Le cadre de la peinture renvoie celle-ci à ses propres
 interrogations, à ses propres ruptures et à ses limites.