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Texte maudit et mystérieux, l'Avis aux réfugiés (1690) est publié en Hollande au lendemain de la Glorieuse Révolution anglaise, qui semble donner de nouveaux espoirs au parti réformé et aux huguenots dispersés en Europe. Loin de suivre ce sentiment commun des protestants, l'Avis s'en prend précisément à leur attitude séditieuse et à leur intolérance, en s'attirant les accusations violentes des auteurs du Refuge hollandais, et surtout de Jurieu, qui obtient en 1693 la destitution de Bayle de l'École illustre de Rotterdam. L'attribution de l'Avis est débattue depuis plus de trois siècles. La paternité exclusive de Bayle est ici établie sur la base d'une analyse précise des sources et d'une comparaison avec ses autres ouvrages, dont ce texte est le prolongement naturel : voir surtout la Réponse d'un nouveau converti de 1689, qui le précède aussi dans le présent volume. Une fois attribué à Bayle, l'Avis perd toute connotation confessionnelle pour devenir une dénonciation à la fois du caractère potentiellement subversif des croyances religieuses et de leur rôle subordonné par rapport aux enjeux politiques. Maître dans l'art de simuler et de dissimuler, Bayle y joue deux rôles : dans l'« Avertissement », il se présente comme un partisan de Guillaume III d'Orange, enthousiasmé par la mission providentielle de ce prince contre l'Antéchrist catholique ; dans le corps du texte, il adopte le rôle d'un avocat parisien, admirateur de Louis XIV, qui démonte impitoyablement les arguments des protestants et leur stratégie politique. Au lecteur l'effort et le plaisir de retrouver, derrière ces masques, le visage de Bayle.
