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Avant même d'être abordée, Maria dit impassiblement : « J'étais tellement sûre que tu viendrais que je n'ai même pas eu l'impression de t'attendre [...] Dire que ce matin, le téléphone n'a même pas sonné, et que maintenant... tu es là. » Il est dans leurs accords d'établir dès le réveil un éventuel rendez-vous du soir avec une sonnerie de téléphone, soit pour dire : « Je viens ! », soit pour demander : « Tu viens ? », mais maintenant c'est lui qui devrait lui dire : « Tu es là », mais il ne le fait pas.
Il se dirige en silence vers le canapé et s'assoit à côté d'elle. Son coeur qui bat la chamade annonce une anxiété incontrôlable. Et le désir de se rapprocher d'elle est d'autant plus grand, que c'est précisément cette femme qui est à l'origine de cette anxiété.
Nous sommes en 1969. Des événements extraordinaires se produisent dans la petite ville turque de Göreme et tous se produisent en l'espace d'une seule nuit, après une journée intense consacrée au tournage du film Médée, qui met en vedette la plus grande chanteuse d'opéra de tous les temps : Maria Callas. Dans le rôle de Jason, l'amant de Médée, un champion de triple saut qui avait réalisé deux records du monde aux Jeux olympiques de Mexico l'année précédente : Giuseppe Gentile. Réalisateur : Pier Paolo Pasolini.
Dans ce roman, tout est vrai et tout est modifié. Il est surtout vrai que, sur le plateau, naquit entre Maria et Pier Paolo un amour aussi puissant qu'impossible, car son désir de normalité à elle n'aurait jamais pu se concilier avec sa sexualité à lui, idéologiquement voué à ne pas déroger à sa faim de corps, inépuisable et hérétique. Cependant, c'est précisément dans cette impossibilité que s'insinue l'altération d'un conte de fées entrelacé de prodiges qui ont la saveur de perpétuels coups de théâtre. D'éblouissantes visions et d'incessantes révélations composent, en effet, une intrigue à la fois sombre et brillante, traversée par de magnifiques fantômes, tels que ceux du Caravage, de Masaccio, du charismatique Roberto Longhi (le seul que Pasolini ait reconnu comme son Maître), du héros tchèque Jan Palach et même de l'homme le plus riche du monde, Aristote Onassis. Avec la puissance d'un sortilège, le dénouement de l'intrigue conduira ses protagonistes à travers des articulations cruciales de leurs vies jusqu'à atteindre une issue inimaginable.
