Ulteriori informazioni
L'oeuvre de Richard Millet apparaît aujourd'hui à l'évidence comme l'une
des plus puissantes et des plus originales du paysage littéraire français
contemporain. Forte déjà d'une quarantaine de titres, construite avec méthode
et obstination depuis près de vingt-cinq ans (L'Invention du corps de saint Marc
date de 1983), à l'écart de l'écume des jours d'une «modernité» littéraire souvent
aussi éphémère que sectaire, c'est aussi une oeuvre de polygraphe. À la vingtaine de
romans, récits et recueils de nouvelles déjà publiés, des Sept passions singulières en
1985 au roman-somme Ma Vie parmi les ombres en 2003, il faut en effet ajouter de
nombreux essais dont Le Sentiment de la langue, couronné par le Prix de l'essai de
l'Académie française en 1994. Le titre de cette série de variations sur le destin de la
langue française - qui sont autant de déclarations d'amour à son égard, aussi -, dit
assez la matière de toute l'oeuvre de Richard Millet : la langue, sujet et objet ultimes
de ses romans, cette «belle langue française» dans laquelle Thomas Lauve rêve de
se coucher et de dormir dans Lauve le pur (2000), l'un des romans les plus troublants
de Richard Millet...
C'est cette question que le colloque s'était donné le projet d'explorer : la langue
du roman qui s'y trouve mise en oeuvre - dans un roman qui est toujours chez Richard
Millet roman de la langue. Langue ici entendue non seulement dans sa dimension
proprement linguistique, philologique et stylistique (essentielle pour Richard Millet),
mais aussi dans son acception philosophique, esthétique, poétique, narratologique,
comme le narrateur de Ma Vie parmi les ombres en jette l'exigeant projet pour «ce
que tout roman devrait être : un lieu où surgit l'inattendu, un perpétuel défi à la forme
par le fond, et inversement, un mémorial de langue et de noms propres autant qu'une
descente aux souterrains de l'esprit ou une consolation aux hommes privés de Dieu.
Un roman, donc, c'est-à-dire une manière de gloire».
Rassemblées sous la direction de Christian Morzewski, on trouvera ici les
contributions de critiques, traducteur, écrivains et artistes lecteurs de l'oeuvre de
Richard Millet, publiées dans leur intégralité et précédées d'un texte inédit, «Le ciel
à Arras», dont l'écrivain a tenu à laisser la trace, en auditeur attentif des travaux de
ce colloque, et en «auteur renvoyé à un statut de quasi personnage, dans l'abîme de
la parole».