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Cette histoire est celle d'un village. De planches, de bâches et de débris. Un village muet, sans enfants et sans femmes. Un village encore jeune mais peuplé
de vieux. Un village comme un faubourg honteux, la petite banlieue d'une petite ville, trop précieuse pour en faire étalage. Un bidonville. L'ancienne carrière
de Fontblanche, en bordure de Cassis. C'est là, entre deux parois de calcaire et tapis sous les pins, qu'on les a laissés construire en 1972 le bout de leur
chemin. Ils sont Tunisiens et presque tous originaires des alentours de Mareth, région rurale du sud du pays. Arrivés pour la plupart il y a trente ou quarante
ans, ils habitent aujourd'hui encore leurs baraques de rien, sans électricité et sans eau. Au fil de leurs décennies de labeur, ils ne comptent pourtant
plus les murs, les vrais, qu'ils ont eus à bâtir, ceux des résidences environnantes, mais aussi ceux de leurs propres maisons en Tunisie, qui ne les attendent
plus. Ils sont la main-d'oeuvre d'ici et le revenu de là-bas. C'est tout. Leurs familles, ceux qui n'ont pas atteint la retraite les voient une ou deux fois l'an
à l'occasion du ramadan, d'une fête ou d'un enterrement, ou quand leur bourse le permet. Mais jamais elles ne mettent les pieds ici. C'est tout juste si elles
savent. Tant mieux. Leurs enfants vivront une autre vie.
Yan Batlle