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En trente ans de carrière. La Ligne rouge (1998) est seulement le troisième film réalisé par Terrence Malick, le génie anti-conformiste du cinéma américain. Situé au moment de la violente bataille de Guadalcanal durant la Seconde Guerre mondiale, le film peut se vanter de réunir des stars - dont George Clooney, Nick Nolte, Sean Penn, John Travolta -, mais il demeure qu'il déjoue les conventions de la réalisation hollywoodienne. L'action, l'histoire et le patriotisme sont subordonnés de temps en temps à d'énigmatiques monologues intérieurs, ainsi qu'à de splendides images de la faune et de la nature que de nombreux spectateurs ont jugé confuses et déconcertantes.
Comment tirer le sens de cet extraordinaire film? Michel Chion dessine les liens aux oeuvres antérieures de Malick: un sens complexe du «paradis terrestre», une sensibilité intensément questionnée, des personnages dont les voix désincarnées aspirent à un savoir inédit et à la vérité. L'auteur relie La Ligne rouge non seulement au roman de James Jones, duquel le film s'inspire librement, mais aussi à une certaine tradition de la pensée américaine (Emerson, Thoreau, Whitman). Davantage, Michel Chion est très attentif à la substance même du film - les images, les sons, les visages, les paysages et les mots, dont la combinaison crée une magnifique réflexion sur notre co-existence avec les autres et le monde, co-existence aussi belle qu'inexplicable et tragique.
