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Dans l'histoire universelle de la littérature, certaines œuvres demeurent vivantes contre vents et marées. En elles se reconnaissent des sociétés entières, de L'Iliade aux grands romans européens du XIXe siècle. Chaque époque a ainsi ses miroirs, dans le reflet desquels l'homme continue d'interroger le mystère de sa destinée.
Roman psychosociologique d'anticipation, pamphlet des plus échevelés, réceptacle de toutes les idées de Witkiewicz en matière de philosophie et de métaphysique, de politique et d'histoire ou d'esthétique, bilan de ses expériences personnelles, éruption de lave verbale dont on découvre peu à peu la parfaite cohérence et l'impétueuse beauté, L'Inassouvissement, avant Le meilleur des mondes d'Aldous Huxley, 1984 de George Orwell ou Nous autres d'Evguéni Zamiatine, nous propose la vision d'une société dont la suprême folie serait la mise en condition de la personne humaine.
L'Europe en décadence, dont sont répertoriés tous les types représentatifs d'intellectuels ou d'artistes, de femmes fatales, de mantes religieuses ou de politiciens à vestes réversibles, sans oublier les grands fauves du terrorisme, constitue donc l'arrière-fond de cette grande symphonie crépusculaire. Cependant, rayonnant comme d'un soleil noir - et c'est le feu central du Mystère de l'Etre -, tous les thèmes abordés par Witkiewicz dépassent les limites des personnages qui les incarnent, comme s'il n'y avait de place, dans la société évoquée, que pour des héros fantomatiques.
Toutes les hantises du XXe siècle défilent dans ce roman prémonitoire : la décadence de la civilisation, la déchéance de l'art et des artistes, le déferlement des pseudo-religions, la sexualité dégradée, le fanatisme politique. Tous ces phénomènes sont exprimés à travers les individus qui, chacun à sa manière, sécrètent l'ultime catastrophe.
