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Il faut l'entendre, la Yute, emballer son monde avec ses histoires de rien qu'elle transforme en récits épiques. Gouailleuse, elle l'est sûrement. Mais sa truculence dissimule souvent cette tendresse qu'elle n'exprime jamais. Comme ils lui sont reconnaissants, tous ces enfants dont elle s'est occupée, ces enfants devenus grands, et qui viennent aujourd'hui l'écouter.
Et la Yute raconte, raconte, raconte. Le Georges qui avait tant de mal avec ses mathématiques. La Caroline qui avait osé lui tenir tête. Le Roger qu'était rongé par un eczéma purulent, même George Sand qui sautait les haies... « Dame », comme elle le dit si souvent, elle raconte sa campagnarde et modeste vie, tout simplement.
Un exemplaire récit de vie d'une campagnarde du Berry !
« À quoi tu joues, ta-Yute ?
- Dame ! j'écris mes mémoires. C'est ben triste mes enfants de vieillir, c'est ben triste ! »
Quatre-vingts ans ! Quel songe étrange, aujourd'hui j'ai quatre-vingts ans. Qu'est-ce que ça change ? Rien... Un peu plus lourde chaque jour, un peu plus de vide autour. C'est normal et ça fait mal. Mais pourquoi dire quatre-vingts ans ? J'aime mieux quatre fois vingt ans. Non, vieillir n'est pas agréable. On pense trop, on pense mal. Des regrets ? Même pas ! Des projets, on n'en fait plus. On est là, c'est tout. On n'attend plus rien. Et je médite ces vers de Victor Hugo : Le vieillard regardait le soleil qui se couche. Le soleil regardait le vieillard qui se meurt.
