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De quels types de connaissance morale la littérature est-elle porteuse ? La
littérature ne laisse-t-elle pas entrevoir, à sa manière, certaines lacunes des
systèmes philosophiques, leurs lieux de fragilité ou d'indétermination, dès lors
qu'il s'agit de rendre compte des multiples dimensions de l'expérience morale,
ainsi que des conditions et des modalités de la «vie bonne» ? Autant d'interrogations
que la théorie littéraire des années «structuralistes» a eu tendance à
laisser de côté. Or, les exemples sollicités en pareil débat, aussi bien en Europe
qu'aux États-Unis (par les divers représentants de l'ethical theory), prennent
généralement appui sur un genre dominant (le roman) et sur une période (celle
des figures de la «modernité» propres aux XIXe et XXe siècles).
L'enquête collective du présent volume s'inscrit dans le cadre d'un programme
de recherche visant à réévaluer dans la longue durée l'apport de l'ensemble des
genres littéraires, de leurs relations différentielles et de leurs évolutions successives,
ressaisis comme autant d'éléments importants pour l'histoire de la pensée
morale. La question, dès lors, n'est pas seulement : qu'est-ce donc que les genres
doivent à la morale ? mais aussi et surtout : qu'est-ce donc que la pensée morale
doit aux genres eux-mêmes, qui lui permettent de s'énoncer, de se représenter,
de s'incarner, de se dramatiser, de se mettre en récit et en intrigue ? On a essayé
ici de mieux prendre la mesure de l'étonnante puissance de variation que l'expérimentation
sur les genres littéraires a permis de déployer dans l'histoire de la
pensée morale, de Montaigne à Sartre et Genet en passant par Bruno, Pascal,
Nicole, La Fontaine ou Flaubert.