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D'avril à juillet 1994, le Rwanda a connu un génocide qui a fait environ
un million de victimes. La plupart des Tutsi qui vivaient à l'intérieur du
pays ont été exterminés. Des milliers de Hutu, considérés comme des
«complices» de ces derniers parce qu'ils n'adhéraient pas à l'idéologie
raciste et au projet d'éradication mené par les extrémistes, y ont également
péri.
Ce génocide, reconnu dès le lendemain de sa perpétration par la communauté
internationale qui, auparavant, avait feint de n'y voir qu'une
banale guerre «interethnique», a suscité une masse de publications, portant
notamment sur la préparation politique et médiatique des tueries, sur le
déroulement et la cruauté de celles-ci, sur le traitement judiciaire de ces
crimes contre l'humanité, enfin sur les enjeux internationaux, en particulier
sur le rôle de la France. Mais les raisons et les conditions de sa mise en
oeuvre sur le plan local restent peu étudiées, quand elles ne sont pas livrées
à des supputations journalistiques ou politiciennes réductrices.
L'étude de Jean-Paul Kimonyo vient combler cette lacune en portant
l'attention sur la société rwandaise elle-même, dans laquelle a mûri la haine
et a fonctionné le conditionnement, rendant possible ce massacre de masse,
où des gens ont tué ou laissé tuer leurs voisins. L'auteur s'appuie sur deux
exemples précis, les préfectures de Butare et de Kibuye, des régions où les
Tutsi étaient nombreux et qui étaient éloignées du front de la guerre civile
opposant l'armée officielle et les maquisards du FPR. Il observe plus précisément
encore deux communes au sein de ces préfectures. Pour la première
fois, nous avons une étude locale du génocide fondée sur de réelles
enquêtes de terrain et sur des sources de première main trouvées sur place.
Cette enquête montre un génocide «populaire», où les petits cadres
locaux jouent un rôle décisif, où les frustrations sociales face à l'État sont
mobilisées contre le bouc émissaire tutsi, où même les aspirations démocratiques
sont dévoyées en haine raciste selon la logique totalitaire dite du
«Hutu-power». Cette analyse n'exonère en rien les tireurs de ficelles, politiques
ou militaires, mais elle montre la profondeur du mal qui rongeait la
société rwandaise depuis des décennies. Ces conclusions peuvent être rapprochées
de la grande enquête de la FIDH et de Human Rights Watch
(Aucun témoin ne doit survivre) ainsi que des témoignages des «repentis»
présentés par le journaliste-écrivain Jean Hatzfeld.