Ulteriori informazioni
En 1994 s'accomplissait au Rwanda le dernier génocide du XXe siècle. En
trois mois, un million d'hommes, de femmes, de vieillards et d'enfants étaient
exterminés uniquement parce qu'ils étaient Tutsi. Il est vite apparu que la question
des responsabilités françaises était incontournable. La France a en effet
soutenu un régime fasciste qui couvait l'idéologie et les forces du génocide,
puis ces forces en train de commettre l'abomination, avant de favoriser leur
repli et leurs préparatifs de «revanche». Les voix qui dénonçaient en France
ce sinistre scandale ont été vite étouffées par une chape de plomb politico-militaire
et une désinformation incessante.
En 1998 cependant, les révélations du journaliste Patrick de Saint-Exupéry
contraignaient une Mission d'information parlementaire à soulever le couvercle,
mais pour conclure seulement à une «erreur» d'appréciation politique,
en dépit du contenu même de son Rapport. Un ensemble d'associations et de
citoyens a estimé ne pas pouvoir laisser dans un tel déni la commémoration des
dix ans du génocide. Ils ont organisé, du 22 au 26 mars 2004, une Commission
d'Enquête Citoyenne (CEC), appuyée par plus de huit mille signatures. Cette
semaine intense de travaux et de débats est retranscrite dans le présent
ouvrage : rapports, documents (pour certains inédits), paroles d'experts, de rescapés
et de bourreaux se prolongent dans les échanges de la Commission.
Les membres de la CEC, même ceux qui connaissaient très bien le sujet,
ont été saisis d'effroi et de dégoût devant ce qui ressort d'un tel faisceau de
preuves et d'informations : leur pays est inextricablement mêlé à un génocide.
Réfléchissant, décidant et agissant comme si ce génocide n'était qu'un phénomène
collatéral d'une guerre civile, les responsables civils et militaires de la
France ont favorisé de fait son accomplissement. Notre pays ne veut toujours
pas le savoir, ni assumer ses responsabilités, ni demander des comptes à ses
plus hauts dirigeants.
Au printemps 2004, la CEC n'a pas été seule à relever cette évidence.
Désormais, il y a deux attitudes incompatibles. Certains continueront de considérer
que la raison d'État doit protéger le noeud politico-militaire engagé dans
un génocide, dans le sillage d'une doctrine qui a des accointances avec tous les
fascismes. Pour d'autres, la mémoire des victimes rwandaises, les leçons de ce
génocide après celui des Juifs où l'État français s'était déjà trouvé compromis,
la prévention de futurs crimes de masse, en Afrique ou ailleurs, l'avenir de la
démocratie en France, imposent de faire la vérité et d'y restaurer des contre-pouvoirs.
La lecture de ce livre peut contribuer à accroître le nombre des
citoyens qui refusent l'intolérable.