Ulteriori informazioni
Les surréalistes furent d'infatigables pasticheurs de dictionnaires.
Du chef-d'oeuvre poétique Glossaire j'y serre mes gloses
de Michel Leiris (1925 et 1939) à Objets d'identité (1976), en
passant par le «Dictionnaire critique» de la revue Documents
(1929-1930), le Dictionnaire abrégé du surréalisme (1938), la
mystérieuse «encyclopédie» Da Costa (1947-1949) et le
Lexique succinct de l'érotisme (1959), sans compter les réalisations
plus modestes qui reprennent à nouveaux frais la grande
oeuvre séculaire de la lexicographie, les surréalistes cultivèrent
avec une remarquable obstination la déraison par alphabet. On
ne les attendait pourtant pas sur ce terrain d'une forme autoritaire
et standardisée, dont l'image est liée d'un côté à la légalité
de la langue, de l'autre à une culture recuite, de consommation
courante, à portée immédiate du savoir.
Pourquoi ce paradoxe ?
Au-delà des apparentes incompatibilités entre écriture surréaliste
et écriture lexicographique, le dictionnaire répond d'abord à
un choix institutionnel, à l'ambition encyclopédique du mouvement
; ensuite, à une attraction naturelle pour un genre hétéroclite
et un ordre anti-architectural qui place les mots à la clef de
tout ; enfin, à une démarche polémique qui instruit le procès du
vocabulaire et en ouvre autoritairement le sens. La culture buissonnière
des vocables hors de leur usage réglementaire amène
cependant à envisager le langage surréaliste dans une perspective
qui n'est pas si éloignée de certaines conceptions modernes de la
linguistique.