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Je suis né à Saint-Jean-de-Vignes. Lieu dévoré
par un autre, la ville de Chalon-sur-Saône au fil
de sa croissance. Ma grand-mère y était sage-femme.
Elle me mit au monde en mai 1939. [...]
Une fois la guerre partie se battre ailleurs, je suis
revenu à Chalon. La gare était le port d'arrivée
de la famille venue en train depuis Paris au cours
d'un voyage de plus de cinq heures [...].
La charrette à bras du grand-père nous attendait
et nous la chargions pour gagner la maison.
Je me souviens des bruits secs du fer des roues
sur les pavés du Carreloup, cette place dont le nom
devenait «gare au loup» pour mes petites oreilles,
et c'est sur la pointe des pieds que nous longions le
palais de justice dont le visage fermé ouvrait sa gueule
de colonnes pour nous avaler par pure mégarde. [...]
La fin des vacances s'annonçait par le retour
de la charrette bleue et le trajet vers la gare bien
avant l'aube, dans le silence de la ville endormie
et le cliquetis du fer des jantes sur les pavés heureux
de retrouver nos pas légers. La paix revenue nous
faisait doucement oublier l'image de ce bombardier
en feu plongeant vers Saint-Marcel ou Crissey, et
si j'offris mon premier livre à Justine, cette grand-mère
qu'on appelait Marguerite, c'est par le souvenir
d'une escapade vers une ferme à l'arrière du vélo
de Mémé pour aller déguster ce que je n'avais jamais
mangé dans mes premières années de vie : du pain
blanc tartiné de beurre avec de petits morceaux
de chocolat dessus. On peut dire que ça ne fait pas
un livre mais Chalon en fut le nid et l'étincelle.