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Trop fréquemment, on ne s'est attaché qu'à la face positive des
Lumières, cette victoire de la raison sur tous les obscurantismes,
sur tous les fanatismes, sur tous les despotismes. Mais comment
expliquer cette victoire sans en percevoir l'ennemi ? Comment
expliquer la prolifération des projets philosophiques et des
réformes politiques qui parcourent le XVIIIe siècle sans en dévoiler,
selon le mot de Montesquieu, la «chaîne secrète» ? Nous postulerons
ici que toute instance critique à l'âge des Lumières a
pour fondement ce jugement commun qui accuse le monde de
corruption.
Jadis réservée à la langue religieuse et à une réalité purement
individuelle, le mal de corruption est désormais considéré au
XVIIIe siècle comme un événement historique et social dont le processus
civilisateur est à la fois l'instigateur et la victime. Enfantée
par la civilisation dont elle annonce la fin prochaine, la corruption
s'avère être à la fois l'indice de son développement et l'origine de
sa chute. Sans civilisation, point de corruption. Et sans corruption,
point de civilisation. Tel est le dilemme auquel doit faire face
le siècle des Lumières et sa pléiade de philosophes, Lumières qui
ne s'assigneront d'autre mission que d'y mettre un terme définitif,
au prix d'une révolution basculant violemment de la régénération
à la purification du mal ancestral.