Ulteriori informazioni
Paul Morand (1888-1976), auteur actuellement plus connu pour
les controverses liées à l'homme que pour sa vaste oeuvre littéraire,
est un des rares écrivains de la littérature française à être connu
d'abord par ses nombreuses nouvelles, quoiqu'il ait pratiqué tous
les genres et qu'il en ait même créé comme celui du portrait de
ville. Le talent de celui qui fut un phare littéraire pendant l'entre-deux-guerres
s'est particulièrement épanoui dans la nouvelle,
forme d'expression, avant-gardiste puis plus classique ensuite, qui
répond chez lui à une nécessité profonde, sur laquelle nous nous
sommes interrogée. L'analyse de l'oeuvre morandienne montre que
pour cet auteur, l'univers est marqué par une division binaire
fondamentale ; celle-ci entraîne les hommes à vivre l'expérience
de l'étrangeté face au monde, à autrui et à eux-mêmes. L'écriture
est un des moyens qui permettent à Morand de dépasser les
troubles engendrés par le sentiment d'étrangeté. Pour cela, elle
doit répondre à certaines exigences, que la nouvelle respecte
mieux que les autres genres. La nouvelle se construit chez Morand
sur une structure bipolaire, ce qui l'autorise à être brève et à
produire des effets violents, qui lui sont propres. De plus, l'écriture
nouvellistique exalte un phénomène de distanciation des personnages,
que l'auteur utilise selon des usages variés : divertissement,
conjuration des émotions et des pulsions, satire, autofiction.
Le genre bref, à la différence de la poésie et du roman, dont de
nombreuses nouvelles morandiennes se rapprochent, ne répond
pas seulement aux exigences esthétiques de Morand : il lui permet
d'exprimer le mieux sa vision pessimiste d'un monde conflictuel
où l'homme ne cesse de se heurter à des impasses existentielles. La
nouvelle autorise Morand à atteindre la lucidité, la vérité et l'ordre,
lesquels sont essentiels à la réalisation de son idéal de maîtrise
de soi.