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L'expérience de la lecture n'est jamais absolue ni définitive mais du moins nous rend-elle sensibles aux mouvements incessants d'une uvre : mouvements de décomposition et de recomposition, de dédoublements et de fusions, où une vision est sans arrêt remplacée par une autre, plus exacte ou plus conforme à l'état, à un moment donné, de la profondeur inépuisable du corps. En se réalisant dans les textes successifs de l'uvre ce sont toujours une chair, une mémoire, une affectivité, des histoires enfouies, des souffrances, des fantasmes, des espoirs, des rêves, des obsessions, désormais perdus et hors du monde, qui viennent à notre rencontre. Cette chair animée de passions que l'on touche dans les uvres de langage n'est pas une corporéité massive mais, au contraire, une substance familière par la constance des éléments qui s'y manifestent, et toujours changeante en raison de la force des mouvements qui l'agitent, comme un visage dont on ne parvient pas à fixer l'expression.
Au cours de cette méditation sur le masculin et le féminin dans l'uvre de García Lorca, sur l'interchangeabilité des rôles, des voix, des substances et des corps sexuels, leurs alliages, leurs alliances et leurs métamorphoses, il n'était pas possible de tenir compte de tout l'opus lorquien dans le détail de chaque livre poétique et de chaque pièce. Nous avons préféré porter à quelques uvres très représentatives de la poésie et du théâtre de García Lorca une attention analytique soutenue. Nous espérons que les voies et les voix de ce parcours seront agréables et profitables au lecteur.
