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Ce recueil décline les lieux, les gestes, les arts de la lecture, cette étrange activité où
le regard et parfois la voix des vivants s'emploient à éveiller la pensée et les discours
des morts ou des absents, un jour confiés à l'écrit. Solitaire ou collective, silencieuse
ou oralisée, la lecture est aussi apprentissage, recherche et découverte, méditation et
travail du sujet sur lui-même. Par elle se déploient les trésors de sagesse et de savoir,
d'expériences et de mémoire enfermés dans les livres.
On suit dans ces pages les métamorphoses du lecteur, depuis les écoles de scribes
de la Mésopotamie antique jusqu'aux bibliothèques électroniques. Un parcours historique
large et comparatiste explore les communautés de lecteurs qui, dans les mondes
lettrés, fréquentent les bibliothèques, celles d'hier comme celles de demain, celles des
mondes anciens, de l'Orient ou de la Chine lointaine comme celles de la tradition humaniste
européenne. On s'attache aux figures des sages, des érudits, des disciples et de
leurs maîtres, des bibliothécaires et des artisans de la lisibilité - les traducteurs, les
commentateurs, les éditeurs. Autant de figures de lecteurs qui manient les livres selon
leurs traditions propres, pour en extraire des mots, du sens, des faits ou des vérités.
Pour ces lecteurs savants, lire, c'est écrire, qu'il s'agisse d'annoter les marges des
livres, d'y prélever des citations ou de s'engager sur les chemins labyrinthiques de
l'exégèse et de l'encyclopédisme. Et la lecture féconde ainsi de nouveaux projets de
savoir ou de pensée.
À la suite de Des Alexandries I, ce volume esquisse les multiples cheminements de
ceux qui s'approprient les collections de textes, y tracent les parcours de leur curiosité,
de leur quête spirituelle, de leurs rêves de savoir ou de leurs apprentissages.
Parcours libres et imprévisibles, régis par les méandres des interprétations et les
digressions de la pensée et de la mémoire individuelles, ou parcours contraints par les
traditions disciplinaires et pédagogiques et les protocoles de réception autorisée, ces
figures de la lecture conduisent à reconsidérer les grandes traditions de savoir dans
la matérialité des gestes et des pratiques qui les produisent et les animent.
Élaboré à partir d'un colloque organisé à la Bibliotheca Alexandrina en novembre
1999, en collaboration avec la Bibliothèque nationale de France, cet ouvrage réunit
les exposés qui y furent présentés ainsi que de nouvelles contributions. Quelques
mois après l'ouverture de la nouvelle Bibliothèque d'Alexandrie, il affirme avec force
la nécessité du dialogue des cultures et des traditions, d'un humanisme qui trouve
dans la mémoire des livres les racines de sa modernité.
Ce volume a été dirigé par Christian Jacob (CNRS), pour le Groupement de
recherche Les Mondes lettrés.