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Quelques-uns - quarante années et un peu plus ayant passé depuis ses
débuts - persistent à penser que Jean Paul Guibbert aura finalement
été en notre langue le premier (premier en altitude) parmi les poètes
de son temps. Ces «quelques-uns» ne sont sans doute pas aussi
nombreux qu'il le faudrait ; ce n'est pas grave : les meilleurs, depuis
Baudelaire, ont toujours mis du temps à se faire entendre à la ronde,
même quand ils ont eu la bonne fortune d'être remarqués dès leurs
premiers pas.
Guibbert n'a pas beaucoup plus de vingt ans quand paraissent ses
premiers poèmes (Veines, 1962), repris peu après dans le recueil
Alyscamps (Mercure de France, 1966). Ce qui lui vaut d'emblée
l'admiration des plus grands : André Pieyre de Mandiargues, Yves
Bonnefoy, Gaëtan Picon-ce dernier ayant salué dès 1963 le jeune
poète encore inconnu comme «la voix la plus personnelle et la plus
persuasive qui ait jailli depuis des années».
La présente édition, qui prolonge et complète celle de 1987 (deux
recueils ont été ajoutés), rassemble l'essentiel de l'oeuvre de Guibbert
poète. Soit treize recueils au total, qui frappent par leur singulière
unité : un regard tout ensemble exalté et douloureux jeté sur les beautés
du monde et sur la Femme en particulier ; un goût marqué pour la
sauvagerie secrète qui soulève les oeuvres de l'art ; une amoureuse
fascination pour les images conjuguées du désir et de la mort-cette
dernière caressée et révérée comme une amante. Nul doute que pour
Guibbert le monde ne soit une geôle, ou un tombeau ; mais son oeuvre
ne cesse de s'émerveiller de ce que la seule gardienne en soit, contre
toute attente, la Beauté.