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Où Jouanard retrouve le genre le mieux accordé à son tempérament de
solitaire partageux : la promenade humoresque. Occasion de rendre
visite à quelques «amis» qui l'ont aidé à vivre : des géographes et des
historiens émus par le bel entêtement des hommes (Reclus, Roupnel,
Michelet), des naturalistes (Buffon, Fabre), des philosophes (pourvu
qu'ils aient le goût des choses - et Bachelard au premier rang), des
imagiers-poètes (Claude, Chardin), des marcheurs dans la foulée de
Jean-Jacques, et des poètes bien sûr, que ce soit en vers ou en prose
(Rilke, Gracq), mais surtout de ces marginaux de l'écrit - Stifter et
Powys, Follain et Dhôtel, Reverdy et Cingria, Thomas et Réda - qui
sont devenus ce qu'ils sont en faisant confiance aux mauvais chemins.
Sans oublier Schubert le Wanderer, le frère de toujours...
Sans oublier, non plus, quelques paysages qui savent eux-mêmes faire
acte d'amitié : le Ventoux cher à Pétrarque et à Char, le vieil Aubrac
tout bosselé, le causse Méjean et la raide vallée de la Jonte, le Paris
d'Henri Calet et des rauques chansons de Damia...
On l'aura compris, la randonnée où nous entraîne l'ami Jouanard est
surtout prétexte à d'aimables haltes où l'on a plaisir à retrouver une
sorte de douceur perdue, à reprendre souffle et courage. On voudrait
presque dire : à reprendre vie - tant l'oxygène que l'on respire dans ces
pages semble nous débarrasser, quasi par enchantement, des miasmes
qui ternissent le triste ordinaire de nos saisons. Et ce, presque toujours,
pour goûter avec lui à des textes rarement lus, nous attarder auprès
d'auteurs qu'on ne trouve plus guère sur les tables des libraires et dont
soudain on a envie de tout lire. En nous persuadant que l'heure est peut-être
enfin venue, pour nous aussi, d'habiter poétiquement ce monde.