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Les philosophies et les sciences humaines sont des fabriques de
l'homme, selon le double sens du génitif. Elles sont fabriquées par
des hommes, mais elles fabriquent aussi l'homme, en tant qu'elles
véhiculent une représentation de ce qui le constitue et (ou) du rapport
qu'il entretient avec ce qui n'est pas lui (nature, société). La construction
d'un discours impose en effet une grille de lecture, un découpage et
une articulation du réel. Aussi, en dépit de l'effort que l'on rencontre
parfois pour élaborer des discours sans présupposé ontologique sur
la nature humaine, une prise de position au sujet de l'homme semble
en fait inévitable. Prendre par exemple pour point de vue celui de
l'individu ou, au contraire, celui du tout social n'est pas neutre mais il
s'agit déjà d'une façon de régler le rapport de l'un à l'autre. Et partir
d'un homme ramené au statut d'agent rationnel visant à maximiser son
profit est un choix massif qu'il convient d'analyser. Mais, s'il y a toujours,
en philosophie morale et politique, ou dans les sciences humaines,
des présupposés anthropologiques, on ne trouve pas forcément dans,
ou à l'arrière-plan de tout discours sur les hommes, l'admission d'une
essence générique de l'homme ; autrement dit, le présupposé peut
être aussi de contestation. Quoi qu'il en soit, il faut mettre en évidence
un personnage abstrait, parfois assumé, parfois caché et parfois
contesté donc, mais toujours là à sa façon, à défaut d'être à chaque
fois opératoire.