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Le monde tel qu'il va ou tel qu'on le fait est souvent pensé comme le seul
possible. N'y aurait-il qu'une seule voie pour sortir des crises, économiques,
politiques, culturelles ?
Pour autant, l'Utopie apparaît comme le sens des possibles. Elle forge des
alternatives, imagine d'autres mondes et des mondes autres. Si la crise creuse une
brèche entre passé et présent, quel avenir ouvre l'utopie : prophétie de malheur
ou d'un monde meilleur ? Comment penser le lien entre science et utopie ? La
science, réelle ou imaginaire, est souvent mobilisée pour fuir les contraintes du
présent, quitte à dessiner de nouveaux destins plus contraignants encore.
Mais l'utopie est aussi a-topie ; elle définit un lieu qui n'existe pas, mais qui peut
servir d'idéal ou de repoussoir. Elle anticipe soit en prolongeant les lignes de
forces du présent, soit en imaginant délibérément un monde, tout autre, meilleur
ou pire. Si la crise menace les identités, les légitimités et les idéologies, l'indignation et la révolte
suscitent-elles des figures consistantes de l'ailleurs ? Le progrès des sciences et des techniques peut-il,
aujourd'hui comme hier, fournir le noyau de rationalité de ces fictions ? Comme le XXe siècle a sonné
le glas des idéologies, le XXIe va-t-il marquer la fin des utopies ?
Souvent, l'utopie fait appel à l'imagination scientifique, voire à la science-fiction. Elle fait plus
qu'esquisser un nouveau monde. Elle en dessine certes l'architecture d'ensemble, mais descend
également dans les détails, là où, dit-on, habitent dieux ou diables. Utopies ou dystopies ?
C'est à nouveau sous la figure tutélaire de Jules Verne que s'inscrit la 4e édition de ces Rencontres.
Car, s'inscrivant dans la lignée de Saint-Simon, Owen et Fourier, Jules Verne n'a cessé, dans ses
Voyages extraordinaires, de nous emmener dans des ailleurs utopiques, de réactiver la puissance de
défi qu'ils recèlent, tout en rappelant la décadence cauchemardesque des cités de perdition. Verne, qui
anticipait bien les crises du monde contemporain (les dégâts du progrès, la puissance corruptrice de
l'argent, les dangers de l'industrie médiatique...), avait déjà perçu le caractère éminemment culturel
de l'Utopie.