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Comment occuper son moi lorsqu'on a trente ans ? Comment, sans le faire craquer, remplir ce costume de chair, s'en revêtir à chaque matin que l'âme refait, oui comment, par quels détours, mener l'imposteur au pub, y dégoiser, en revenir sans trop de dégâts pour se rencogner dans le lit conjugal ; puis recommencer ?
Quand on est Dylan Thomas (1914-1953), on écrit en pleine guerre Morts et Entrées, et on le publie en 1946 à la face du monde. Six ans après ce sommet lyrique, Au pays du sommeil clôt l'oeuvre par de larges pans de vers ralentis d'une saveur terrienne. Ce second volume de L'OEuvre poétique y adjoint de nombreuses pièces jusqu'ici inédites en français.
De quoi est-il question ? De dire la chair de la pensée ; de surprendre le monde et l'esprit-corps dans leur mouvement conjoint, et partant, de retracer la mort qui y travaille depuis toujours. Pour le poète gallois, écrire, c'est mourir au milieu de la vie et c'est vivre au milieu de la mort.
Acmé mémorable. Et tant pis si la création se fait de plus en plus difficile ; si les dernières années tremblent jusqu'à ce qu'on en meure à 39 ans, cette fois pour de bon. Tout ce qui compte, c'est d'avoir su piéger le soleil. Car l'abîme gronde toujours au fond des banales journées. Pour paiement de ce labeur, Dylan Thomas ne réclame que son dû : « Langouste pour le thé, champagne chaque nuit, une niche dans les Lettres, et un trou dans la terre à perpétuité. »
