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En 1777, quand la promenade des Champs-Élysées devient un
lieu public et que «tout Paris y est», le comte d'Angiviller,
directeur des Bâtiments du Roi, décide de la doter d'un gardien,
fort d'une petite troupe de quatre soldats. Il les choisit parmi
des militaires sûrs, les troupes suisses, et nomme à leur tête
Ferdinand de Federici, originaire des Grisons, homme dévoué,
zélé, d'extraction modeste, qui va faire de cette promenade sa
«chose».
Chaque semaine, Federici écrit un «rapport», décrivant ses
actions de police et son lien de plus en plus affectif à cet
endroit entre ville et campagne, fréquenté par les aristocrates
comme par les pauvres hères, lieu de jeux, de loisirs, de promenade
et de parades, espace de la séduction, de la convoitise, du
voyeurisme, mais aussi de l'émeute et de la violence. Les querelles,
les duels à l'épée ou au pistolet, les batailles collectives,
les jeux de barres interdits, les chapardages, les émeutes d'étudiants,
les ventes à la sauvette, les attroupements autour des
carrosses, les dragues de prostituées et les «agissements des
pédérastes» sont le pain quotidien de la garde des Champs-Élysées.
Federici et ses hommes sont les rois du flagrant délit : ils
surprennent la vie de Paris sur le vif, la ville la plus populaire
comme la plus mondaine. À chaque rapport, de son écriture
vive, colorée, réaliste, Federici croque des scènes qui ressemblent
à des esquisses de peintre, aux zébrures de la vie quotidienne
du XVIIIe siècle, nous donnant des informations à la fois
banales et captivantes.