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Cet essai explore une intuition : les différentes croyances furent un des
éléments majeurs des cultures de guerre, des années des combats à celles
du deuil, dans le consentement pour Dieu et la patrie, et aussi à l'inverse
dans le refus, celui d'un esprit pacifique allant jusqu'à la dénonciation de
la guerre comme signe du péché. Tous les contemporains étaient en effet
persuadés qu'ils tenaient pour une façon de voir le monde opposée à
celle de leurs ennemis. Ces hommes et ces femmes - ici des Français mais
pas seulement - étaient persuadés de participer à une lutte de civilisation
où la foi était cruciale. Foi en la patrie, en la victoire, réactivée par la foi
en Dieu, parfois peu orthodoxe, innervée de prophéties et superstitions.
Catholiques, protestants, juifs connaissent ainsi une mobilisation par la
foi, qui a fait croire à un réveil religieux en France, en particulier à certains
observateurs américains séduits par cette «religion de guerre». L'esprit
de sacrifice est canalisé par les aumôniers du front et les desservants
de l'arrière, exalté par les convertis.
Ce livre se présente comme un triptyque : la mort dans le sacrifice, le
désir de consolation devant les horreurs des fronts et la multiplication exponentielle
des morts, la mémoire de l'épreuve. L'omniprésence du culte
des morts prolonge les ferveurs de guerre. L'obsession de cette commémoration
recrée un nouveau paysage physique et mental où cérémonies
devant les monuments aux morts, ossuaires et vitraux du souvenir permettent
d'exorciser le vide de la génération perdue, de se persuader que
les sacrifices et les souffrances n'ont pas été vains. La foi fut recherche de
sens dans le désastre de la guerre.