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«Avoir raison avec Aron», cette formule,
de regret et de contrition pour certains,
prend acte de la rigueur des analyses
du «spectateur engagé», mais l'on peut
l'entendre d'une autre façon, moins
commune mais peut-être plus en accord
avec la démarche aronienne, soit le fait
de s'accompagner de la raison critique.
En effet, allant au-delà du néo-kantisme,
Raymond Aron a appliqué le criticisme
à la raison historique et insisté sur les limites
de l'objectivité. De plus, il restaure
la liberté humaine, notamment au prix
de la dépoétisation et de la pluralité
des interprétations. Rejet ainsi de toute
vision totalisatrice, a fortiori totalitaire
ou utopique, sa réflexion sur l'histoire,
mais également sa réflexion sur la société,
ainsi que sur les relations internationales,
trouvent leur unité dans la condition
humaine, dans la condition de l'autre dont
la connaissance nous permet seule, selon lui,
de nous connaître nous-même : «Comment
vivre, écrit Aron, comment accepter
notre condition d'être historique dans
des nations que nous ne choisissons pas,
dans des ensembles supra-individuels
et pourtant composés d'individus
dont nous sommes à demi-prisonniers ?»