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Les mutations territoriales en Asie centrale et orientale offrent un exemple
d'application du droit international dans sa dimension intertemporelle et
interspatiale laquelle peut, de prime abord, apparaître spécifique mais qui,
au fond, s'inscrit également dans la théorie générale du droit des espaces
et de leur délimitation.
L'Asie centrale et orientale a très tôt connu un mode étatique de souveraineté
où les rapports personnels primaient sur la maîtrise effective du
territoire bien que la texture de l'État fût principalement de nature féodale.
Initialement, les Européens se sont insérés dans les réseaux existants et
ont développé des relations de type patrimonial. La colonisation a été progressive.
Si certains États sont restés indépendants et si certaines compétences
ont parfois été exercées par les souverains locaux, la souveraineté
coloniale s'est néanmoins substituée à la souveraineté autochtone. Pour
améliorer leur sécurité politique et juridique, mais aussi pour montrer leur
supériorité technique, les Puissances coloniales ont contribué à la précision
et à la linéarisation des frontières qui, souvent, existaient déjà. Lors de la
décolonisation, les États nouvellement indépendants ont d'abord voulu
retrouver leur unité nationale et leur intégrité territoriale «historique», plus
qu'ils n'ont contesté leur héritage frontalier, en recourant parfois à la force
et fréquemment à la négociation bilatérale, en particulier pour délimiter
leurs frontières. Il n'empêche que certains conflits ont été soumis au Juge
international, alors que d'autres restent encore en suspens. Il s'agit alors de
comparer le droit judiciairement appliqué, lequel est au fond classique, ainsi
que les fondements juridiques des revendications territoriales et frontalières
au droit international existant en la matière. Paradoxalement, aujourd'hui,
les conflits territoriaux et frontaliers ont souvent tendance à permettre le
développement de nouvelles relations entre États allant, parfois, jusqu'à la
signature d'accords de coopération tout en préservant le statu quo territorial
sur le terrain. Finalement, si la relation du continent au droit international
reste singulière, elle tend de plus en plus à s'y intégrer.