Read more
Le très populaire abbé Pierre, fondateur du mouvement Emmaüs, est
souvent présenté comme un franc-tireur, et l'organisation qu'il a créée
comme tout autre chose qu'une oeuvre de charité. Pourtant, ses
origines et ses objectifs inscrivent bien Emmaüs dans la tradition chrétienne
de la caritas. Ce livre revient sur ces oeuvres que le XIXe siècle
ne craignait pas de nommer «de charité».
Les oeuvres des villes françaises et allemandes au XIXe siècle, examinées
de manière inédite par l'auteur, encadrent alors étroitement la
population catholique. Elles sont plus le produit de leur temps que des
survivances de l'Ancien Régime. Leurs fondateurs sont issus d'un
milieu d'élites laïques, de prêtres diocésains et de religieux congréganistes
où les femmes tiennent une place décisive. Leur grande plasticité
répond aussi bien à l'héritage chrétien qu'aux besoins nés de la
révolution industrielle - travail des mères, migrations de travail,
développement des demandes de santé. Émerge alors un véritable
secteur «privé», face à l'affirmation de l'intervention «publique».
Au coeur de ce livre est posée la question fondamentale du rapport
des catholiques à la modernité. Les oeuvres reprennent-elles sans distanciation
l'image catholique de la société moderne comme un «corps
malade» ? Leurs pratiques témoignent-elles d'un refus persistant de
cette modernité sociale à laquelle le discours dominant de l'Église
invitait ses fidèles à tourner le dos ? Autant d'interrogations autour
d'un continent qui n'est pas tout à fait englouti, mais qui survit aujourd'hui
au sein des mouvements caritatifs et humanitaires.