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La publication en mars 1909 du recueil
d'articles Vekhi - Jalons - fit l'effet d'une
bombe en Russie. Vekhi devint immédiatement
un best-seller. L'initiative du recueil revenait à
l'historien de la littérature Mikhaïl Guershenzon
qui, à dessein, n'avait montré à aucun des
auteurs les articles des six autres contributeurs
avant la publication. La presse progressiste
se déchaîna contre les sept signataires.
Bien que Pavel Milioukov, le chef du parti
constitutionnel démocrate, eût donné une série
de conférences dans lesquelles il se démarquait
des thèses de Vekhi, Lénine se frottait les
mains : enfin les libéraux russes, ces «renégats»,
avaient jeté le masque et révélé au grand
jour leur nature profondément réactionnaire.
L'opinion était choquée par le propos de
l'ouvrage, mais surtout par les noms figurant
sous les articles iconoclastes. En effet, les
auteurs de Vekhi avaient été des personnalités
en vue de l'intelligentsia radicale dont le
procès était fait tout au long des pages de ce
brûlot. En 1918, les mêmes auteurs
dénonceront vigoureusement le bolchevisme
dans un recueil intitulé De profundis, qui
paraîtra en 1921. Ils seront expulsés par Lénine
en 1922 ou partiront en exil.
Jamais encore traduits en français, les
articles de Jalons exposent, sous les plumes
russes les plus prestigieuses, cette thèse
éclatante : la révolution a été l'enfant de
l'intelligentsia et, en même temps, son miroir
implacable.